Par Carine Nassif-Gouin, Pierre Picard, Chantal Levesque, Mélanie Boivin et Samuel Blain
Résumé
Ces dix dernières années, plusieurs rapports d’enquête et certains événements tragiques ont mis en lumière la nécessité d’agir rapidement dans la mise en œuvre concrète d’approches et de principes fondamentaux pour guider les politiques de reconnaissance. Dans le cadre d’activités professionnelles quotidiennes, il a fallu interroger le sens et les actions possibles en lien avec les principes d’équité- diversité-inclusion (ÉDI) et les approches de décolonisation-réconciliation-autochtonisation (DRA). Ainsi, lors de la rédaction d’un plan d’action, la conception de programmes éducatifs ou encore le développement de projets dans le secteur de la santé, de nombreuses questions ont été soulevées. Nous proposons de partager notre réflexion qui sous-tend la distinction entre ces principes et ces approches.
Pour bien saisir les enjeux qui sont abordés dans ce texte, il importe au préalable de préciser un certain nombre de définitions conceptuelles. Nous comprenons la décolonisation comme étant un processus d’émancipation. Le dictionnaire Le Petit Robert précise qu’elle est une action qui permet « d’affranchir ou de s’affranchir d’une autorité, de servitudes ou de préjugés ». L’autochtonisation résulte « des efforts conscients [qui] sont mis en œuvre pour intégrer les peuples autochtones, leurs philosophies, leurs connaissances et leurs cultures dans les plans stratégiques, les rôles de gouvernance, l’élaboration et l’examen des programmes d’études, la recherche et le perfectionnement professionnel » (Commission de Vérité et Réconciliation du Canada, 2015 ; Melançon, 2019). En quelques mots, cela réfère au « recadrage de la production de connaissances et à la transmission d’un point de vue autochtone » (Shallard et Carson Kinsella, 2018). La réconciliation consiste à établir et à maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et non autochtones dans ce pays (CCUNESCO, 2019). La diversité fait référence à un groupe d’individus qui possèdent des caractéristiques différentes par leur identité, leur origine géographique, culturelle ou religieuse, leur âge, leur sexe, leur genre, leur orientation sexuelle, les limitations physiques ou intellectuelles, leur discipline, etc. L’équité réfère à un sentiment ou une perception de justice par rapport à une situation donnée. Elle désigne une démarche pour corriger les désavantages historiques existants entre des groupes. À titre d’exemple, selon l’UNESCO, l’équité entre les sexes signifie un « traitement différencié, visant à rétablir l’équilibre entre les genres, et accordé aux femmes ou aux hommes afin de compenser le déséquilibre historique et social qui les empêche de participer activement et de façon égale au développement de leur société. L’équité est un moyen utilisé afin d’atteindre l’égalité ». Et finalement, l’inclusion fait référence à l’action de mettre en place un environnement respectueux de la diversité qui intègre pleinement tous les membres de la communauté, qui les accompagne et leur offre des mesures de soutien pour favoriser le bien-être et leur accomplissement. C’est un engagement soutenu visant l’accueil, l’intégration, l’accompagnement et le cheminement pour les groupes marginalisés (Réseau interuniversitaire québécois, 2021).
Ainsi, dans le contexte actuel mais aussi à partir de réflexions menées dans le cadre de développement de différents projets de recherche, nous nous sommes questionnés sur la pertinence d’établir une distinction entre les principes d’équité-diversité-inclusion (ÉDI) et les approches de décolonisation-réconciliation- autochtonisation (DRA) et une manière de la justifier. Nous avons retenu quatre raisons pour ce faire :
- Tenir compte du caractère distinctif des droits des Autochtones enchâssés dans la Constitution canadienne de 1982 ;
- Respecter l’esprit et la lettre des rapports de la Commission Viens (2019) et de la Commission de Vérité et Réconciliation (2015) ;
- Tenir compte de la volonté des peuples autochtones d’être considérés comme une nation mais en respectant la différence de cadre de référence, ce dernier n’étant pas le même pour les autres minorités non autochtones ;
- Respecter l’esprit et la lettre d’une ontologie qui lui est propre et partagée par de nombreux chercheurs.
Le quadruple objectif, présenté précédemment, vise à éviter la confusion entre les peuples autochtones et les autres minorités du Québec et du Canada. Nous proposons dans ce texte de préciser en quoi les minorités autochtones et les minorités non autochtones doivent être considérées de manière distincte. Quelques universités ont également mis de l’avant cette distinction entre ces principes et ces approches (Université Queen’s, 2020). Nous avons axé cette distinction à partir de la littérature consacrée aux questions d’ÉDI et de DRA. Précisons qu’il s’agit bien de distinguer pour mieux comprendre ces cadres conceptuels, non pas de les opposer. Pour mieux les appréhender, nous les abordons sous plusieurs aspects : terminologiques, juridiques, sociaux, géographiques ou territoriaux et, enfin, sous l’aspect de la recherche.
Aspects terminologiques
Le vocabulaire adopté dans ce texte est emprunté à celui du lexique de la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) et du rapport de la Commission Viens. Mis en relation avec la littérature consacrée aux minorités, il permet d’établir des distinctions.
Le terme peuples autochtones désigne ici toute personne issue des Premières Nations ou Premiers Peuples ainsi que des peuples inuit ou métis et ce, indépendamment de son lieu de résidence et de son auto-identification. Même si le terme Premières Nations est le plus couramment utilisé, aucune définition n’est retenue sur le plan juridique. Les Premières Nations incluent « les Abénakis, les Anishnabek (Algonquins), les Atikamekw Nehirowisiw, les Eeyou (Cris), les Hurons-Wendat, les Innus, les Malécites, les Mi’gmaq, les Mohawks et les Naskapis ».
Par ailleurs, notons que cette terminologie s’inscrit en adéquation avec celle de la Loi sur les Indiens reprise par le Secrétariat aux affaires autochtones et par le Service aux Autochtones Canada : toute personne autochtone est un membre des Premières Nations, ou un Métis ou un Inuit. Certains termes à connotation coloniale, tels que les mots « Indien », « bande » et « réserve » sont aussi issus de la terminologie de la Loi sur les Indiens et en dépit de leur connotation coloniale, ils sont toujours employés tant sur le plan juridique que celui du langage courant au Québec et au Canada.
Dans ce texte, le terme minorité renvoie au respect du droit de toutes les minorités. Rappelons que la diversité est relative à la personne tandis que l’inclusion fait référence à la collectivité. Enfin, la littérature distingue les principes d’ÉDI, lesquels font référence au respect de tous et toutes, peu importe leur provenance (Potvin, 2014). Ces principes peuvent être comparés aux approches de DRA, mais il faut veiller à ne pas les confondre (Université Queen’s, 2020). Dans le cadre de projets développés en partenariat avec des personnes et des communautés autochtones, certaines mesures doivent être respectées. Toujours selon la littérature, les précautions et les mesures à prendre reposent sur des cadres de référence et sur des paradigmes spécifiques (Martin et Mirraboopa, 2003 ; Weber- Pillwax, 2001).
Aspects juridiques
Le respect des peuples et la reconnaissance de leurs droits sont principalement le fait des droits et des normes d’un État et de ses collectivités. La problématique juridique relative aux minorités et aux peuples autochtones est mise en œuvre à partir d’un corpus de textes normatifs distincts. Le droit des peuples autochtones est défini par des textes juridiques spécifiques.
Au niveau international, deux textes font office de référence. Tout d’abord la Déclaration des Nations Unies sur les minorités (1992). Le gouvernement fédéral canadien a été l’un des premiers à s’y conformer en adoptant une loi sur l’égalité en matière d’emploi, pour remédier à la situation défavorable dont sont victimes quatre groupes sociaux définis : « les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées, et les membres des minorités visibles ». Ensuite, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007). Rappelons que lors du vote portant sur cette déclaration, le Canada a été l’un des quatre pays à s’y être opposés. Ce n’est qu’en 2016 que le Canada a finalement soutenu la Déclaration et a déposé un projet de loi pour sa mise en œuvre. Il aura donc fallu plusieurs années avant que le Canada accepte l’idée que les peuples autochtones doivent être considérés comme une minorité ayant des droits bien distincts et particuliers.
Au Canada, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît expressément les droits, issus de traités, des peuples autochtones comme les droits constitutionnels ancestraux, incluant les droits existants issus d’accords sur les revendications territoriales. La Loi sur les Indiens de 1876 régit tous les aspects de la vie des Premières Nations. Plusieurs projets de loi ont permis d’amender la loi de 1876 pour accorder un pouvoir accru « aux bandes indiennes de régir leurs affaires internes » (Projet de loi C-31, 1985) ou encore « pour rétablir le statut d’Indien aux femmes ». La Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens en est un exemple (Projet de loi C-3, 2010).
Ces dernières années, les approches en DRA ont été développées du fait des rapports de commissions d’enquête tenues au Canada et au Québec.
La Commission de Vérité et réconciliation (CVR, 2008-2015) avait pour mandat de contribuer à la vérité, à la guérison et à la réconciliation liées aux conséquences de la mise en œuvre de politiques d’assimilation et d’évangélisation à l’échelle du Canada. L’une des décisions prises par les gouvernements avait été de forcer les enfants autochtones à vivre dans des foyers et des résidences religieux, lieux regroupés sous le terme générique de pensionnats (CVR, Annexe N, 2018). Rappelons que ces pensionnats ont été institutionnalisés dans les années 1820 jusqu’aux années 1990, le dernier ayant fermé ses portes en 1996. Les 94 appels à l’action réclament des stratégies conjointes pour combler spécifiquement les écarts en matière d’éducation, de santé et de justice. Cette commission distingue le droit des minorités des droits des peuples autochtones (OHCHR, 2010).
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA, 2018) avait, quant à elle, pour mandat de rendre compte de la conduite des services policiers dans 14 juridictions fédérales, provinciales et territoriales au Canada ainsi que de faire état des pratiques racistes et discriminatoires envers les femmes et les filles autochtones. Parmi les recommandations proposées, on demande que des plans d’action qui touchent l’éducation, la santé, l’emploi, la sécurité et les soins de santé soient déployés.
Au Québec, la Commission Viens (2019) avait pour mandat d’examiner la discrimination et le racisme au sein des services publics, y compris les soins de santé, la protection de la jeunesse, les services correctionnels, de justice et de police. Cette commission a proposé des mesures pour prévenir et éliminer toutes formes de violences, de mesures discriminatoires et de traitements différents dont les peuples autochtones sont victimes.
Les trois rapports ont un point commun : ils démontrent que l’une des sources de discrimination et d’inégalité est le résultat de pratiques, de normes, de lois et de politiques toujours en place tant sur le plan communautaire qu’aux différents paliers de gouvernement. Comparativement aux minorités, cette distinction est principalement due au fait que les peuples autochtones entretiennent une relation étroite avec leurs territoires et la terre de même qu’avec leurs traditions ancestrales et spirituelles. Cette distinction souligne une revendication propre aux peuples autochtones, soit la reconnaissance de leurs droits sur la terre et leurs ressources, de leur droit à l’autodétermination, ainsi que de leur droit de sortir de l’état de minorité induite par la loi de 1876. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones précise que les États doivent se concerter et coopérer avec les peuples autochtones afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, avant d’entreprendre des activités de développement susceptibles d’avoir des incidences sur eux. Les peuples autochtones demandent une relation basée sur la coexistence et non pas sur l’assimilation ou l’inclusion.
Aspects sociaux
Selon les audiences de la Commission de Vérité et Réconciliation, plus de 150 000 enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont été forcés de fréquenter les pensionnats indiens. Miller (2012) précise qu’en 1998, « Le gouvernement du Canada a reconnu que le système des écoles résidentielles [pensionnats] a causé des douleurs et des souffrances personnelles qui se font encore sentir aujourd’hui dans les collectivités autochtones ». Les sévices subis dans les pensionnats de 1880 à 1996 ont été dévoilés et consignés (enlèvement aux familles autochtones, malnutrition, violences physiques et sexuelles, tombes non marquées, etc.). Le processus de réconciliation ne concerne pas seulement la reconnaissance et la réparation des sévices causés aux peuples autochtones. La CVR a également demandé à ce que toutes les institutions soient fondamentalement restructurées afin que les systèmes et les structures coloniales soient abolis à tous les niveaux de la société canadienne. La Commission a insisté sur le fait que les peuples autochtones ne sont pas seulement des victimes mais que leurs droits issus de traités et de conventions, de droits constitutionnels et de droits de la personne doivent être respectés. Sans la reconnaissance de cette double vérité, il ne peut y avoir de réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones. « La réconciliation ne vise pas uniquement à fermer un triste chapitre du passé du Canada, mais également à ouvrir de nouvelles voies de guérison basées sur la vérité’ et la justice. » (Rapport final de la CVR, vol. 6, p. 7).
La CVR met un accent particulier sur le rôle des peuples autochtones dans le processus de la réconciliation :
Un élément essentiel de ce processus consiste à réparer le lien de confiance en présentant des excuses, en accordant des réparations individuelles et collectives, et en concrétisant des actions qui témoignent de véritables changements sociétaux. Pour établir des relations respectueuses, il faut également revitaliser le droit et les traditions juridiques autochtones. Il est important que tous les Canadiens comprennent comment les méthodes traditionnelles des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de résolution des conflits, de réparation des torts et de rétablissement des liens peuvent éclairer le processus de réconciliation […]. Ces traditions et ces pratiques constituent le fondement du droit autochtone. Elles sont sources de sagesse et contiennent des conseils pratiques pour passer à l’étape de la réconciliation dans ce pays. (Rapport final de la CVR, vol. 6, p. 11-12)
La CVR a conclu que :
Même si la Commission a été un catalyseur pour approfondir notre sensibilisation à la signification et au potentiel de la réconciliation, de nombreuses têtes, mains et cœurs devront travailler ensemble, à tous les niveaux de la société, pour maintenir cet élan au cours des années à venir. Il faudra également une volonté politique soutenue avec tous les paliers de gouvernement et des ressources matérielles concertées […]. Les Autochtones ont une importante contribution à faire pour la réconciliation. Leurs systèmes de savoir, leurs histoires orales, leurs lois et leurs liens avec la terre ont éclairé de manière vitale le processus de réconciliation jusqu’à ce jour, et sont des facteurs essentiels pour que le processus progresse de façon continue. (Rapport final de la CVR, vol. 6, p. 4)
Ainsi, selon le rapport de la CVR, nous avons le devoir de prendre connaissance de ses recommandations et reconnaître les effets de la colonisation sur les structures et la relation avec les peuples autochtones qui ont causé des douleurs et souffrances transgénérationnelles. Précisons que les principes d’équité- diversité-inclusion ne sont pas mutuellement exclusifs des approches de décolonisation-réconciliation- autochtonisation. Cependant, les principes d’ÉDI sont mis en œuvre grâce à des approches distinctes (interculturelle, multiculturelle, théorie critique anti-raciste) qui sous-tendent des principes d’action ethnoculturelle, religieuse et linguistique, fondés sur le respect du cadre démocratique (Potvin, 2014).
De plus, pour faciliter la mise en œuvre des approches DRA notamment en éducation et en santé, plusieurs fondements et principes ont été développés à partir de situations fondées sur une réalité vécue par les peuples autochtones.
Dans une première étape, la DRA s’est traduite par la mise en place de perspectives du double regard ou Two-Eyed Seeing ou encore Etuaptmumk en langue Mikma’q. Cette perspective propose l’intégration de la perspective autochtone à toutes les sphères de la vie occidentale. Selon l’aîné Mikma’q, Albert Marshall, il s’agit de la faculté qu’ont les peuples autochtones de voir la vie en toute chose en l’associant aux concepts occidentaux du savoir (Bartlett et al., 2012 ; Hatcher et al., 2009).
Soulignons également le principe de Jordan qui vise à ce que tous les enfants des Premières Nations vivant au Canada aient accès aux services de santé en passant par l’offre de services de santé ou le soutien adéquat. Ce principe a été instauré en mémoire de Jordan River Anderson, un jeune garçon de la Nation des Cris de Norway House au Manitoba, décédé seul, à la suite des conflits entre les paliers gouvernementaux quant à la responsabilité de l’offre de services (Groupe de travail sur le principe de Jordan, 2015).
Finalement, nous évoquons le principe de Joyce qui vise à reconnaitre la discrimination systémique dont sont victimes, au Québec et au Canada, les Premières Nations et les Inuits dans leurs relations avec les services publics et, principalement, en matière de santé et des services sociaux. Ce principe a été instauré en mémoire de Joyce Echaquan, dont le décès est survenu le 28 septembre 2020 au Centre hospitalier de Joliette dans la région de Lanaudière au Québec, près de la communauté Atikamekw de Manawan (Conseil des Atikamekw de Manawan et le Conseil de la Nation Atikamekw, 2020).
Finalement, le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone du gouvernement fédéral a décrit des déterminants sociaux de la santé particuliers aux personnes et aux communautés autochtones. Les types de déterminants de la santé, et la manière de les présenter, diffèrent de ceux proposés par la Charte d’Ottawa. Bien que la Charte d’Ottawa soit le résultat d’une concertation internationale sur les nouvelles démarches de promotion de la santé, définie comme une ressource de la vie quotidienne et non plus comme un but en soit, elle ne s’applique pas à toutes et à tous. En effet, elle énonce même le principe selon lequel il faut tenir compte des conditions sociales et économiques, et donc des conditions de la société dans laquelle on vit. Ainsi, trois niveaux de déterminants sont retenus lorsqu’il est question de la santé et des inégalités de santé des personnes et des communautés autochtones – niveau proximal (comportements de santé, environnements physiques, emploi et revenu, éducation, insécurité alimentaire), niveau intermédiaire (système de santé, système d’éducation, infrastructure, ressources et capacités communautaires, continuité culturelle, gestion de l’environnement) et niveau distal (colonialisme, racisme et exclusion sociale, autodétermination) (Loppie Reading et Wien, 2009). Bien que les principes d’EDI s’appliquent à tous et toutes, les déterminants sociaux de la santé ont spécifiquement été adaptés aux approches de la DRA.
Aspects géographiques ou territoriaux
Les minorités ne disposent ou ne recherchent pas nécessairement d’assise ou d’implantation territoriale liées à leurs relations ancestrales, contrairement aux peuples autochtones (art. 35 de la loi constitutionnelle de 1982). Elles n’ont pas de racines territoriales canadiennes ou québécoises. Cet ancrage, en plus d’être territorial, est aussi culturel et social. Il traduit le processus de transmission des traditions ancestrales, ce qui inclut des relations respectueuses avec la vie végétale, animale, terrestre et aquatique. La question du rapport historique des peuples autochtones est étroitement liée à leurs territoires, ou avec le territoire dans lequel ils vivent aujourd’hui (Desbiens et Hirt, 2012 ; Dufour, 1993). Les revendications de terres en litige et de l’autonomie gouvernementale soutiennent donc la distinction entre communautés et minorités (Koubi et Schulte-Tenckhoff, 2000). Une confusion entre les deux fragilise la reconnaissance des droits particuliers reconnus aux peuples autochtones et pourrait même remettre en question la réconciliation. En effet, cette confusion pourrait apparaître comme étant une stratégie en vue d’effacer à nouveau leurs particularités et leur relation au territoire. Or, comme Koubi et Schulte-Tenckhoff le précisent : « paradoxalement, la propension à l’uniformisation du traitement juridique des peuples autochtones et des minorités par les droits de l’Homme a constitué la base, voire les fondements d’une dissociation entre les uns et les autres ».
Aspects de la recherche
Le chapitre 9 de l’Éthique de la recherche avec les êtres humains (Groupe en éthique de la recherche, 2018) est basé sur la réciprocité entre les communautés autochtones et la communauté de la recherche. Le chapitre 9 sur la recherche impliquant les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada permet de préserver et de gérer leurs connaissances collectives et l’ensemble des données qui proviennent de leurs communautés. Par ailleurs, les Premières Nations ont le contrôle sur l’accès et la propriété des processus de collecte de données et sur la façon dont elles peuvent être utilisées (APNQL, 2014). Le centre de gouvernance de l’information des Premières Nations est détenteur du respect des principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP®) des données (Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, 2014).
Conclusion
Farget (2010) rappelle dans sa thèse que la notion de minorité mouvante est tributaire des stratégies politiques identitaires définies par l’État canadien. Cette affirmation est fondamentale pour comprendre ce qui distingue les minorités des peuples autochtones. Selon la littérature, une approche englobante serait interprétée comme une volonté de favoriser les pratiques coloniales et oppressives, consolidée par une politique d’acculturation et d’assimilation, ainsi que la perpétuation d’une non-reconnaissance territoriale. Une telle approche englobante interrogerait à nouveau plusieurs tentatives d’assimilation au moyen des pratiques étatiques et institutionnelles. En conclusion, de nombreux textes scientifiques et législatifs soulignent la distinction entre les principes d’équité-diversité-inclusion (ÉDI) et les approches de décolonisation-réconciliation-autochtonisation (DRA) ; nous avons donc la possibilité de les retenir pour fonder nos décisions.
Biographies
Carine Nassif-Gouin est doctorante en sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, ainsi que responsable du Certificat en coopération et solidarité internationales et du programme ACCES-FEP de l’Université’ de Montréal.
Pierre Picard est membre de la nation huronne-wendate et dirige depuis plusieurs années le Groupe de recherche et d’interventions psychosociales en milieu autochtone (GRIPMA).
Chantal Levesque est responsable du certificat en santé publique, du certificat en gestion des services de santé et des services sociaux et du certificat en intervention psychoéducative de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal.
Mélanie Boivin est la directrice générale du Centre d’amitié autochtone du Lac-Saint-Jean.
Le Dr Samuel Blain est médecin de famille, médecin conseil en santé publique et professeur adjoint de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Références
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